Le Père Peinard 5 avril 1891 : Dans le patelin, y a une usine qu'on appelle Cayenne. Elle porte bien son nom, mille tonnerres! C'est un vrai bagne.
Comme partout, les ouvriers crèvent à la peine; et comme partout aussi, on ne rate pas une occase de leur rogner la paie.
En janvier, y a eu une diminution de 9 pour 100 sur les mérinos fantaisie et flanelle; y a trois semaines c'est sur les mérinos blancs qu'on a fait pareille diminution.
"Alors quoi, on va crever tout à fait ?..." que se sont dit ouvriers et ouvrières.
Tous en choeur, ils ont été faire une réclamation. C'est le garde chiourme en chef, le sale Pendard, qui les a reçus.
Poli comme un ours, il a gueulé après les pauvres bougres, disant que sur 150, tous c'est des paresseux, sauf une douzaine.
Les types ont été tellement épatés de s'entendre traiter de la sorte, que ce n'est qu'après, qu'ils ont songé au bassin du milieu de la cour.
"Crédieu, qu'ils ruminaient, on a raté une bonne occase... quelle baignade, nom de dieu !..."
Ils s'en mordent d'autant plus les pouces, que retombés sous la coupe du Pendard, ils ne sont pas à la noce.
L'animal use de tous les trucs pour faire grêler les amendes ! Ainsi il n'est pas rare qu'il grimpe sur les toits, pour pister à travers les vitrages et voir s'il ne trouve pas un forçat en flagrant délit, afin de lui coller cinq ou six sous d'amende !
Si à ce moment il recevait un coup de pied dans le cul qui l'envoie dinguer dans le tissage, la trouverait-il mauvaise ?
Cayenne se trouve sur le côté droit de la carte postale