Charleville. Gaffe préfectorale
Père Peinard 6 juin 1897 : Y a de l'émoi parmi la haute et dégueulasse classe dirigeante de ce patelin : dimanche dernier, un professeur d'histoire au lycée, faisait une conférence à l'école normale sur la guerre de 1870-1871.
Tant que le type a daubé sur les simples pousse-cailloux indisciplinés, la jubilation était complète; mais quand il a voulu dégoiser sur les lâchetés des galonnés, M. le Préfet l'a trouvé mauvaise.
- Assez ! assez ! qu'il s'est foutu à gueuler.
L'orateur a voulu continuer quand même mais le préfet lui a à nouveau coupé la chique.
Le public a rouspété et y a eu un chahut monstre : les grosses légumes écumaient de rage !
Mais comme, en fin de compte, parmi les assistants y avait guère de gas costauds, y a qu'un unique bon bougre qu'a continué de protester.
Pour lors, le préfet ayant ouvert son robinet oratoire a inondé le public, - si bien que les autorités ont eu le dernier mot.
Les grosses légumes y mettent de façons quand il s'agit de réunions ouvrières : la semaine dernière le citoyen Poulet faisait une conférence à Remilly les Pothées et, turellement, toute la pestaille était sur pied.
Mais comme la réunion avait lieu chez une débitante dont le mari est cantonnier, le préfet est monté sur ses grands chevaux.
Il a fait appeler le cantonnier, lui a foutu un sacré savon et lui a donné de choisir entre la fermeture de son débit ou la révocation.
Le pauvre bougre, ne savait si c'était du lard ou du cochon ! Il a quinze ans de services et le voilà menacé d'être foutu sur la paille s'il ne courbe pas la tête.
Quelle dégoûtation ! Et dire que M. le préfet se pose en républicain tout ce qu'il y a de plus bon teint.
Belle cochonnerie que la liberté républicaine !
Les pompiers se trouvent devant le café où devait avoir lieu la réunion anarchiste