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Père Peinard 14 janvier 1891 : Mohon, 31 décembre 1890 ( compagnie des chemins de fer de l'Est )
Mon vieux Peinard,
J'ai beaucoup de choses à te conter pour que tu les fasses connaître aux camaros.
Dans les ateliers de la Compagnie, pas plus qu'ailleurs, les alouettes ne vous tombent rôties dans le bec.
Y a peut-être des alouettes, mais elles ne sont pas pour nous : ici, comme partout, c'est les grosses légumes qui se bourrent la panse avec.
Pour ce qui est de nous, faut trimer dur; et quand nous arrivons le soir dans nos taudis, on ne voit que misère : y a une caboulée de pommes de terre et une demi-livre de cheval ( qui coute 3 sous ).
Quelle pauvre pitance ! Et y a pas, çà doit suffire à toute une famille de 5 à 6 personnes.
Tandis qu'on serre la boucle d'un cran, les canailles d'exploiteurs et de contre-coups en prennent à leur aise; ils vous foutent des amendes sur le poil, comme s'il en pleuvait.
Un exemple; dernièrement, quelques pères de familles avaient ramassés trois ou quatre débris de vieux bois, et les avaient apportés à la ménagère, pour allumer le feu.
Un salop de garde-chiourme les avait vus, on leur a foutu cent sous d'amende à chacun, et s'ils récidivent, ils seront saqués dare dare.
D'un autre côté, on voit des contre-coups se faire des bicyclettes, des étouffoirs, même des meubles, des tables, au compte de la Compagnie; ils demandent des permis de voyage et se payent des parties carrées.
Voilà comment ça se mijote. Toujours pareil, qu'un pauvre bougre prenne un oeuf, il écope, - qu'un gros salop prenne un boeuf : on lui dit rien.
C'est à ça que nous sommes réduits, mon vieux Peinard; nous devons endurer toutes sortes de vexations.
Une fois entrés dans le bagne, nous ne sommes plus des hommes, mais des machines; nous ne devons pas discuter, mais obéir.