Le Père Peinard dans les Ardennes

Père Peinard 11 décembre 1892 : Les camaros se souviennent que, l'an dernier, les possiblilieux des Ardennes foutèrent le Père Peinard à l'index; même fourbi que celui des jésuites, nom de dieu !

Il est interdit aux marchands de vendre le caneton, de même qu'il est interdit aux bons bougres de la Fédération de le lire.

Et dire que ces merles-là se disent socialos !

Turellement, ça n'a fait ni chaud, ni froid; les lois sont faites pour être violées, aussi bien celles des possibilards que celles du Loup-Bête. Or donc, au grand désespoir des pontifes des Ardennes, les bons bougres ont continué à s'appuyer mes réflecs.

Y a même mieux, l'an dernier, le Père Peinard et tous ses copains, ça ne faisait q'un ramassis de mouchards, - aujourd'hui, dans les Ardennes, comme ailleurs, c'est plus ça ! Faut compter avec les anarchos.

Jusqu'ici, le colonel des votards, Clément, avait eu la roublardise de ne pas trop débiner en public. Voici que dans une réunion qui a eu lieu à Nouzon le 28 novembre, il a été plus carré.

Faut d'abord vous dire, les camerluches, que les possibilieux avaient pris toutes les mesures pour boucher la gueule à ceux qui auraient voulu placer un mot. Pour émoustiller les bons bougres qui, les coyant de francs socialos, les ont encore à la bonne, ils avaient fait courir le bruit que les anarchos iraient à la réunion pour leur foutre des coups de couteau.

Du jaspinage de Clément je n'aurais rien dit, s'il n'avait pas eu la gnolerie de laisser tomber de sa gueule édentée une salopise carbinée : "Je sais qu'il y a des anarchistes dans la salle, mais il y a aussi des prisons pour les mettre."

Il a dit ça, textuel !

C'est gentillet, nom de dieu !

On peut juger, par ces douces paroles du sort que, s'ils étaient les maîtres, les possibilieux réserveraient aux zigues d'attaque qui ne voudraient pas plier l'échine. Heureusement, c'est pas près d'arriver..., et ça ne viendra jamais ! ...

Ben oui, grand et illustre citoilien Clément, on ne le sait que trop qu'il y a des prisons pour les anarchos, - et on sait même qu'elles ne sont rembourrées qu'avec des noyaux de pêche ! Ca tient à ce que les crapules de la haute connaissent leurs vrais ennemis.

Eh là ! Faut pas nous la faire à l'oseille et dégoiser que vous avez taté de la prison. Oh, grand saint Jean, la prison a été douce pour vous, grâce à cette bonne bougresse de Fédération des Ardennes qui vous tira des griffes de votre proprio de Paris, en casquant 700 balles, - et qui ne s'en tient pas là ! Bonnassement, elle continua de vous abouler 37 balles par semaine durant vos deux mois de douce captivité.

Oui, grand colonel du parti des votards, y a des prisons pour les anarchos ! Et eux ne comptent pas sur les jaunets des pauvres bougres, ni sur une place à l'aquarium.

Pendant qu'ils sont en prison, les gosses crèvent la faim, et personne n'ayant 700 balles à donner au proprio, celui-ci fout la famille à la porte.

Et sans même vous comparer avec les anarchos, savez-vous bien qu'à vous mettre simplement en parallèle avec les prolos de la Fédération, ça ne vous relève pas !

Tandis que les pauvres bougres se demandaient où ils pêcheraient la galette pour payer leur terme, ils vous payaient à vous, grand citoilien, une chambre à la pistole, et c'est sans vous faire de bile qu'en compagnie du directeur, vous fumiez dans son jardin de gros et bons cigares...

Mille dieux, oui, t'as raison citoilien, t'as mis le doigt dessus, jamais t'as dit si vrai : y a des prisons pour les anarchistes..., qui ne sont pas sages comme Baptiste.