Le Père Peinard dans les Ardennes

Au début du siècle dernier, un homme seul, profondément meurtri par la mort de son frère Émile Henry (guillotiné à l'âge de 21 ans), tente sur le terrain - en l'occurrence la forêt ardennaise -, l'élaboration d'une société libertaire appelée « L'Essai », et connue aussi sous le nom de « Colonie d'Aiglemont ». De nombreux compagnons rejoindront Fortuné Henry, entre 1903 et 1909. Ils construiront des maisons, défricheront la forêt pour y installer des cultures, pratiqueront l'élevage et essayeront de mettre en pratique leur idéal libertaire, publiant même leur propre journal, Le Cubilot.

Cette expérience, qui eut de larges répercussions dans toutes les Ardennes et bien au-delà, tomba dans l'oubli après la disparition de la colonie, en 1909. Les publications de la Question sociale rompent enfin ce silence avec la sortie d'une brochure, La Colonie libertaire d'Aiglemont. Il s'agit de l'édition d'un extrait de thèse, écrite en 1908 (et donc contemporaine de l'expérience), par un certain G.Narrat. En universitaire sérieux, il livrait alors un document de première main, lequel s'avère aujourd'hui un témoignage inestimable de cette époque. Et s'il mettait l'accent sur l'originalité et l'intérêt de cette colonie libertaire, tant au point de vue économique que politique, il ne minimisait pas pour autant les dissensions internes qui ne manquèrent pas d'éclater, en particulier à cause de l'autoritarisme (réel ou supposé) du fondateur… Espérons que ce texte passionnant ouvre le chemin à d'autres brochures sur l'histoire, aujourd'hui si méconnue, des essais de vie libertaire (que l'on appelait alors les « milieux libres »), et de la Colonie d'Aiglemont en particulier.

Cathy Ytak