Le Père Peinard dans les Ardennes

Père Peinard 13 décembre 1896 : Décidément, ça me semble une épidémie : à peine je venais de recevoir la flanche ci-dessus concernant le syndicat des vautours troyens, qu'il me tombe des Ardennes une babillarde me jaspinant l'existence d'une collection aussi dégueulasse : un Syndicat de pêcheurs à la ligne !

Quelques bons bougres, purs d'intentions, le fondèrent l'an dernier. Ca n'allait pas trop mal quand des asticots - proprios, rentiers, et même huissiers, - s'y enquillèrent.

Dès lors, changement à vue !

On pondit des statuts épatarouflants; de quoi faire gondoler une baleine. Puis on nomma un garde-champêtre.

Y en a déjà deux que la gouvernance entretient... avec celui de la Syndicale, ça fait trois.

Et celui-ci n'est pas le plus commode, - il s'en faut.

L'autre jour, un pauvre père de famille, qui a quatre gosses à faire tortorer, en a su quelque chose : il était parti pêcher de quoi bouffer le soir.

Voilà que le garde de la Syndicale lui tombe sur le poil : "Ah, vous posez votre ligne à terre ! Un procès-verbal ! ...Votre nom et adresse ? ..."

Le prolo, tout ahuri, s'exécuta; le lendemain il fut appelé chez le quart-d'oeil et il sera poursuivi.

Ce qu'il y a de plus triste à dire, c'est que ce sacré nom de dieu de garde-pêche du syndicat se prétend socialo.
Zut alors ! Cochon de socialisme que celui qui consiste à foutre les jugeurs aux trousse au pauvre monde.

Et qui donc fichera la becquée aux mômes, tandis que le père fera de la prison pour l'amende qu'il ne pourra payer ?

C'est-y toi sacré animal de garde ?

Sache donc que pour être vraiment socialo, il ne s'agit pas de faire étalage de théories, mais d'être un chouette gas et d'éviter, en toute occasion, de faire la plus légère mistoufle à un bon bougre.

Et maintenant, regarde-toi dans une glace et interroge-toi !