Le Père Peinard dans les Ardennes

Père Peinard 31 janvier 1892 : J'ai jospiné sur la grève de Charleville, dont les possibilos faisaient tant d'épates.
Voici qu'il m'arrive une babillarde qui sent bougrement la déception. Je la colle nature, à part un petit endroit ousque j'ai mis des points et ousqu'il est question des appointements des matadors de la Fédération des Ardennes, - qui sont là-bas une gouvernance en réduction :
Charleville, 20 mars 91
Ca y est, les grévistes sont pris par la famine après trois mois de lutte.Les conseils des bouffe-galette de la rue de Gonzague ont annihilé le courage des grévistes en nous prêchant le calme et la résignation.
Ils s'en sont payés des promesses menteuses !
Eh, Clément, où sont les 30.000 balles que tu devais ramener de Paris ? Où sont les 25.000 francs qui devaient venir d'Angleterre en bateau ?
C'est pas promettre qu'il fallait ! fumiste va, - il ne fallait pas te promettre à toi, la fédération en sait quelque chose.......
Enfin, à la cour de Nancy, tu as pris les engagements d'être sage et de bien garder les moutons de Panurge.
Va, tu n'étonnes plus personne ! Nous savons pourquoi a été entreprise contre le Père Peinard la campagne de calomnies : tous les lavaudistes, clémentistes et autres bouffe-galette vous redoutiez qu'un jour vienne où on vous foute le nez dans vos ordures.
Vous n'êtes pas encore au pouvoir et déjà vous jouez au Torquemada : dans les Ardennes, on ne doit lire que votre canard.
A l'index La Révolte ! A l'index le Père Peinard ! A l'index les autres journaux de n'importe quelle opinion.
Vous ne valez pas mieux que des bourgeois; vous êtes des endormeurs qui voulez détourner le courant révolutionnaire à votre profit et façonner les autres à votre moule.
Suivant la parole du célèbre colonel des votards"celui qui n'est pas avec nous doit crever ! "
Vrai, si vous disiez juste, y a beaucoup d'ouvriers qui crèveraient !
Mais camarades, ne nous décourageons pas ! N'ayons qu'une idée, qu'un but la Révolution. Laissons de côté la Politique, gardons nos gros sous pour une cause meilleure : les chefs possibilos n'ont jamais fait que nous distribuer des promesses et vivre à nos dépens.
Gardons notre haine pour nos exploiteurs; préparons-nous à leur faire payer un jour avec le reste, tout le mal qu'ils nous ont fait.
En avant pour la Révolution par l'Anarchie.
                                                                             Un gréviste
La babillarde du camaro pourrait s'appeler l'oraison funèbre d'une grève à la flan.
Ah, oui, oraison....bougrement funèbre ! Combien de mistoufles et de larmes représentent ces trois mois de grève pour la peau qu'ont subi les bons bougres du bagne Corneau.
Pourvu que l'expérience leur serve ! Qu'ils comprennent que sans énergie y a pas plan d'arriver à rien de rien !