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Le Père Peinard dans les Ardennes


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Nouzon : Babillarde d'un trimardeur.
Père Peinard 27 septembre 1891 : Nouzon, le 21 septembre 1891
Mon vieux Peinard,
Si jamais tu te trouves dans l'obligation de te foutre sur le trimard, tourne le cul aux Ardennes.
Je ne te conseille pas de venir par ici avec ta hotte et ton tire-pied, gueuler "souliers à refaire".
Tu pourrais te brosser le ventre, car tout le patelin est conquis par les possibilos, et ils ne te donneraient guère de turbin.
"Ecoutes ce qui vient de m'arriver :
Je suis parti de Vienne, dans l'Isère depuis le 1er septembre, et je suis arrivé dans les Ardennes en trimardant. J'avais un sacré besoin de turbin, vu que j'avais le porte-braise aussi plat que le ventre.
Or, ayant travaillé jadis comme tisseur à Sedan, le centre du tissage, j'y rapplique pensant que je n'avais qu'à me mettre en quête de turbin, comme ça se fait partout ailleurs.
Va te faire foutre ! J'apprends en arrivant qu'il fallait m'adresser à la commission du travail de la Chambre syndicale possibilo. J'y radine dare-dare, me figurant parler à des révolutionnaires et des socialistes sincères.
Bernique, je comptais tout seul ! Je croyais être dans un confessional; ils m'ont posé un tas de questions impossibles à te dégoiser ici.
En fin finale, ils ont refusé de me syndiquer; par suite, je n'ai pu trouver d'ouvrage, et j'ai du me refiche en route.
Je ne suis pas le seul à qui un tour pareil est arrivé. Entre autres, il en a été de même pour deux copains de Roubaix, qui étaient embauchés : ils ne convenaient pas à ces messieurs qui les ont fait renvoyer, employant pour ça tous les moyens possibles, - mais pas délicats.
Tant qu'à moi, heureusement, je suis arrivé à Nouzon; j'ai eu la veine de tomber sur un bon copain qui a soupé des mic-macs possibilos, à tel point qu'il en a une indigestion, et il m'a fait avoir un peu de turbin.
Voilà, mon vieux Peinard, la liberté du travail dans les Ardennes avec les possibilards.
Ils font pire que les patrons !
Au moins, lorsqu'un patron vous saque on a la liberté d'aller s'embaucher ailleurs.
Avec les possibilos, y a pas mêche.
Ils refusent de vous syndiquer et vous foutent ainsi dans l'impossiblité de trouver du travail. De ce fait, il n'y en a que pour eux.
Ne vas pas croire qu'ils combattent les patrons et les capitalistes avec le même acharnement ! Leur seul dada, c'est de faire toutes sortes de misère à tous les ouvriers qui ne sont pas possibilos.
En somme, ils ne se plaisent qu'à faire la guerre à leurs frères de travail une guerre fratricide !
Sur ce, je te serre la cuillère, et afin que ces sales types ne puissent pas dire : "C'est pas vrai ! " colle au bas mon nom.
Aimé Zeissloff
Ecrit par libertad, à 23:42 dans la rubrique "Les chroniques du Père Peinard".



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