Sedan. Les jugeurs ont forcé la dose
Le Père Peinard 13 août 1893 : Voilà le compagnon Baicry de retour dans son patelin. Ce n'est pas trop tôt, nom de dieu!
Grâce aux rosseries de cette vieille crapule de Baltazar, procureur de la R.F., il a fait la navette entre correctionnelle de Sedan et la cour d'appel de Nancy, depuis le mois d'avril 1892, jusqu'à maintenant.
Tantôt c'est pour avoir dit à l'argousin Godart que la rousse n'avait pas le droit de tout chaparder, sous prétexte de perquisitionner.
Tantôt c'est pour avoir déclaré au substitut Grillot : "
Vous êtes trop jeune pour me mettre". Tantôt par quelque autre balançoire.
Perquisitions, préventions, condamnations, toute la lyre, quoi ?
Et pardessus le marché, le copain étant tombé malade, une brute de vise-au-trou*, le forçant sous menace de le foutre au cachot, à gober des remèdes de cheval, des drogues à lui faire rendre les pieds par la bouche.
Plus le copain était attigé, plus les geôliers se gondolaient.
Enfin on l'a foutu à la porte de la prison de Moy, sans un sou et à moitié mort et avec la menace de le coffrer de nouveau pour vagabondage s'il ne trouvait pas illico un gîte et des moyens d'existence.
Sûr, les bons bougres de la région savaient déjà à quoi s'en tenir sur la magistrance. Mais faut convenir que cette fois les jugeurs ont forcé la dose des salopises. Les zigues d'attaque de Sedan et des environs l'ont adopté.
*apothicaire, infirmier
Ba 79 Rapports et informations concernant les menées anarchistes 1894 Archives de la préfecture de police de Paris
